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.— Une telle lâcheté me répugne ; quoi qu’il arrive, je désire rester avec vous.— Tu es très jeune ; pourquoi compromettre ta carrière ?— Je me moque de ma carrière ; vous m’avez fait confiance, je vous donne la mienne.— As-tu bien conscience de ton imprudence ?— À ma place, agiriez-vous autrement ?— Vérifie ce texte concernant une plantation d’arbres dans le quartier nord de Memphis ; que personne ne conteste les emplacements choisis.Fou de joie, Bak se remit au travail.Sa mine s’assombrit lorsqu’il introduisit Bel-Tran dans le bureau du vizir.Assis en scribe, Pazair rédigeait une lettre à l’intention des chefs de province, en vue de la prochaine crue ; il leur demandait de vérifier le bon état des digues et des bassins de retenue, afin que le pays recueille au mieux les bienfaits de la montée des eaux fécondantes.Bel-Tran, vêtu d’une robe neuve aux plis trop amples, resta debout.— Je vous écoute, dit le vizir sans lever la tête ; auriez-vous l’obligeance de ne pas vous perdre dans des discours oiseux ?— Connaissez-vous l’étendue de votre pouvoir ?— Je me préoccupe davantage de mes devoirs.— Vous occupez un poste essentiel, Pazair ; en cas de fautes graves commises à la tête de l’État, c’est à vous de rétablir la justice.— Je déteste les insinuations.— Je vais être très clair : vous seul pouvez juger les membres de la famille royale et le roi lui-même, s’il trahit son pays.— Vous, oser parler de trahison !— Ramsès est coupable.— Qui l’accuse ?— Moi, afin que nos valeurs morales soient respectées.En envoyant à nos amis d’Asie un or de mauvaise qualité, Ramsès a compromis la paix ; que son procès soit instruit devant votre tribunal.— C’est vous qui avez expédié ce métal défectueux !— Pharaon ne laisse à personne le soin de mener la politique asiatique ; qui croira que l’un de ses ministres a agi contre son gré ?— Comme vous le supposez, à moi d’établir la vérité.Ramsès n’est pas coupable, et je le démontrerai.— Je fournirai les preuves contre lui ; en tant que vizir, vous serez dans l’obligation d’en tenir compte et de déclencher la procédure.— L’instruction sera très longue.Bel-Tran s’emporta.— Ne comprenez-vous pas que je vous offre votre dernière chance ? En devenant l’accusateur du roi, vous vous sauverez vous-même ! Les personnalités les plus influentes se rallient à ma cause ; Ramsès est un homme seul, abandonné de tous.— Il lui restera son vizir.— Votre successeur vous condamnera pour haute trahison.— Plaçons notre confiance en Maât.— Vous aurez mérité votre triste sort, Pazair.— Nos actes seront pesés sur la balance de l’au-delà, les miens comme les vôtres.Bel-Tran parti, Bak remit une étrange missive entre les mains de Pazair.— J’ai supposé que cette lettre vous paraîtrait urgente.Pazair consulta le document.— Tu as eu raison de me la montrer avant mon départ.*Le petit village thébain aurait dû sommeiller sous le chaud soleil de mai à l’ombre des palmes.Mais seuls les boeufs et les ânes s’accordaient du repos, car la population s’était regroupée sur la place poussiéreuse où siégeait le tribunal local.Le maire tenait enfin sa revanche sur le vieux berger Pépi, un véritable sauvage qui vivait à l’écart, seul avec les ibis et les crocodiles, et se cachait dans les fourrés de papyrus dès qu’approchait un agent du fisc.Puisqu’il ne payait pas d’impôts depuis de nombreuses années, le maire avait décidé que sa modeste parcelle de terrain, quelques arpents au bord du fleuve, deviendraient propriété du village.Appuyé sur son bâton noueux, le vieillard était sorti de sa tanière, afin de défendre sa cause.Le juge du village, un paysan ami du maire et ennemi d’enfance de Pépi, ne semblait guère décidé à écouter les arguments du berger, malgré plusieurs protestations.— Voici le jugement : il est décidé que…— Enquête insuffisante.— Qui ose m’interrompre ?Pazair s’avança.— Le vizir d’Égypte.Tous reconnurent Pazair, qui avait commencé sa carrière de juge dans le village où il était né.Surpris et admiratifs, ils s’inclinèrent.— Selon la loi, je dirige ce tribunal, décréta-t-il.— Le dossier est complexe, bougonna le maire.— Je le connais bien, grâce au dossier que m’a fait parvenir le préposé au courrier.— Les charges contre Pépi…— Ses dettes sont réglées ; l’affaire est donc réduite à néant.Le berger conserve le terrain que lui a légué le père de son père.On acclama le vizir, on lui apporta de la bière et des fleurs.Enfin, il fut seul avec le héros du jour.— Je savais que tu reviendrais, dit Pépi ; tu as bien choisi ton moment.Tu n’étais pas un mauvais bougre, au fond, malgré ton drôle de métier.— Tu le constates, un juge peut être juste.— Je continuerai quand même à me méfier.Tu reviens t’installer ici ?— Malheureusement, non.Je dois partir pour Coptos.— Rude tâche que celle de vizir ; préserve le bonheur des gens, voilà ce qu’on attend de toi.— Qui ne ploierait pas sous la charge ?— Imite le palmier.Plus on le tire vers le bas, plus on tente de le courber, plus il s’élève et se dresse vers le haut.CHAPITRE 39Panthère dégusta un morceau de pastèque, se baigna, se sécha au soleil, but de la bière fraîche et se lova contre Souti, dont le regard demeurait fixé sur la rive d’Occident.— Que redoutes-tu ?— Pourquoi n’attaquent-ils pas ?— Ordre du vizir, rappelle-toi.— Si Pazair vient, nous…— Il ne viendra pas.Le vizir d’Égypte t’a abandonné ; tu es devenu un rebelle et un hors-la-loi.Lorsque nos nerfs seront à bout, des dissensions éclateront ; bientôt, les Libyens se heurteront aux Nubiens, et « ceux à la vue perçante » reprendront le droit chemin.L’armée n’aura même pas à combattre.Souti caressa les cheveux de Panthère.— Que proposes-tu ?— Brisons l’étau.Pendant que nos soldats nous obéissent, profitons de leur désir de vaincre.— Nous serons massacrés.— Qu’en sais-tu ? Nous sommes habitués aux miracles, toi et moi.Si nous sommes vainqueurs, Thèbes nous sera promise.Coptos me semble trop petite, à présent, et la morosité te sied mal.Il la prit aux hanches et la souleva ; les seins à la hauteur des yeux de son amant, la tête penchée en arrière, ses cheveux blonds noyés de soleil, les bras tendus, la Libyenne poussa un soupir d’aise.— Fais-moi mourir d’amour, implora-t-elle.*Le Nil changeait d’aspect ; un oeil exercé constatait que le bleu du fleuve devenait moins vif, comme si les premiers limons, venus du sud lointain, commençaient à l’obscurcir.Avec juin s’achèverait la moisson ; dans les campagnes, on s’adonnait au battage.Sous la protection de Kem et du babouin policier, Pazair avait dormi dans son village, à la belle étoile ; lorsqu’il était un jeune juge, il s’octroyait souvent ce plaisir, avide des parfums de la nuit et des couleurs de l’aube.— Nous partons pour Coptos, annonça-t-il à Kem ; je convaincrai Souti de renoncer à ses projets insensés.— Comment vous y prendrez-vous ?— Il m’écoutera.— Vous savez bien que non.— Nous avons échangé notre sang, nous nous comprenons au-delà des mots.— Je ne vous laisserai pas l’affronter seul.— Il n’existe pas d’autre solution.Quand elle sortit de la palmeraie, Pazair crut rêver.Aérienne, rayonnante, le front orné d’un diadème de fleurs de lotus, sa perle de turquoise au cou, Néféret venait vers lui [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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.— Une telle lâcheté me répugne ; quoi qu’il arrive, je désire rester avec vous.— Tu es très jeune ; pourquoi compromettre ta carrière ?— Je me moque de ma carrière ; vous m’avez fait confiance, je vous donne la mienne.— As-tu bien conscience de ton imprudence ?— À ma place, agiriez-vous autrement ?— Vérifie ce texte concernant une plantation d’arbres dans le quartier nord de Memphis ; que personne ne conteste les emplacements choisis.Fou de joie, Bak se remit au travail.Sa mine s’assombrit lorsqu’il introduisit Bel-Tran dans le bureau du vizir.Assis en scribe, Pazair rédigeait une lettre à l’intention des chefs de province, en vue de la prochaine crue ; il leur demandait de vérifier le bon état des digues et des bassins de retenue, afin que le pays recueille au mieux les bienfaits de la montée des eaux fécondantes.Bel-Tran, vêtu d’une robe neuve aux plis trop amples, resta debout.— Je vous écoute, dit le vizir sans lever la tête ; auriez-vous l’obligeance de ne pas vous perdre dans des discours oiseux ?— Connaissez-vous l’étendue de votre pouvoir ?— Je me préoccupe davantage de mes devoirs.— Vous occupez un poste essentiel, Pazair ; en cas de fautes graves commises à la tête de l’État, c’est à vous de rétablir la justice.— Je déteste les insinuations.— Je vais être très clair : vous seul pouvez juger les membres de la famille royale et le roi lui-même, s’il trahit son pays.— Vous, oser parler de trahison !— Ramsès est coupable.— Qui l’accuse ?— Moi, afin que nos valeurs morales soient respectées.En envoyant à nos amis d’Asie un or de mauvaise qualité, Ramsès a compromis la paix ; que son procès soit instruit devant votre tribunal.— C’est vous qui avez expédié ce métal défectueux !— Pharaon ne laisse à personne le soin de mener la politique asiatique ; qui croira que l’un de ses ministres a agi contre son gré ?— Comme vous le supposez, à moi d’établir la vérité.Ramsès n’est pas coupable, et je le démontrerai.— Je fournirai les preuves contre lui ; en tant que vizir, vous serez dans l’obligation d’en tenir compte et de déclencher la procédure.— L’instruction sera très longue.Bel-Tran s’emporta.— Ne comprenez-vous pas que je vous offre votre dernière chance ? En devenant l’accusateur du roi, vous vous sauverez vous-même ! Les personnalités les plus influentes se rallient à ma cause ; Ramsès est un homme seul, abandonné de tous.— Il lui restera son vizir.— Votre successeur vous condamnera pour haute trahison.— Plaçons notre confiance en Maât.— Vous aurez mérité votre triste sort, Pazair.— Nos actes seront pesés sur la balance de l’au-delà, les miens comme les vôtres.Bel-Tran parti, Bak remit une étrange missive entre les mains de Pazair.— J’ai supposé que cette lettre vous paraîtrait urgente.Pazair consulta le document.— Tu as eu raison de me la montrer avant mon départ.*Le petit village thébain aurait dû sommeiller sous le chaud soleil de mai à l’ombre des palmes.Mais seuls les boeufs et les ânes s’accordaient du repos, car la population s’était regroupée sur la place poussiéreuse où siégeait le tribunal local.Le maire tenait enfin sa revanche sur le vieux berger Pépi, un véritable sauvage qui vivait à l’écart, seul avec les ibis et les crocodiles, et se cachait dans les fourrés de papyrus dès qu’approchait un agent du fisc.Puisqu’il ne payait pas d’impôts depuis de nombreuses années, le maire avait décidé que sa modeste parcelle de terrain, quelques arpents au bord du fleuve, deviendraient propriété du village.Appuyé sur son bâton noueux, le vieillard était sorti de sa tanière, afin de défendre sa cause.Le juge du village, un paysan ami du maire et ennemi d’enfance de Pépi, ne semblait guère décidé à écouter les arguments du berger, malgré plusieurs protestations.— Voici le jugement : il est décidé que…— Enquête insuffisante.— Qui ose m’interrompre ?Pazair s’avança.— Le vizir d’Égypte.Tous reconnurent Pazair, qui avait commencé sa carrière de juge dans le village où il était né.Surpris et admiratifs, ils s’inclinèrent.— Selon la loi, je dirige ce tribunal, décréta-t-il.— Le dossier est complexe, bougonna le maire.— Je le connais bien, grâce au dossier que m’a fait parvenir le préposé au courrier.— Les charges contre Pépi…— Ses dettes sont réglées ; l’affaire est donc réduite à néant.Le berger conserve le terrain que lui a légué le père de son père.On acclama le vizir, on lui apporta de la bière et des fleurs.Enfin, il fut seul avec le héros du jour.— Je savais que tu reviendrais, dit Pépi ; tu as bien choisi ton moment.Tu n’étais pas un mauvais bougre, au fond, malgré ton drôle de métier.— Tu le constates, un juge peut être juste.— Je continuerai quand même à me méfier.Tu reviens t’installer ici ?— Malheureusement, non.Je dois partir pour Coptos.— Rude tâche que celle de vizir ; préserve le bonheur des gens, voilà ce qu’on attend de toi.— Qui ne ploierait pas sous la charge ?— Imite le palmier.Plus on le tire vers le bas, plus on tente de le courber, plus il s’élève et se dresse vers le haut.CHAPITRE 39Panthère dégusta un morceau de pastèque, se baigna, se sécha au soleil, but de la bière fraîche et se lova contre Souti, dont le regard demeurait fixé sur la rive d’Occident.— Que redoutes-tu ?— Pourquoi n’attaquent-ils pas ?— Ordre du vizir, rappelle-toi.— Si Pazair vient, nous…— Il ne viendra pas.Le vizir d’Égypte t’a abandonné ; tu es devenu un rebelle et un hors-la-loi.Lorsque nos nerfs seront à bout, des dissensions éclateront ; bientôt, les Libyens se heurteront aux Nubiens, et « ceux à la vue perçante » reprendront le droit chemin.L’armée n’aura même pas à combattre.Souti caressa les cheveux de Panthère.— Que proposes-tu ?— Brisons l’étau.Pendant que nos soldats nous obéissent, profitons de leur désir de vaincre.— Nous serons massacrés.— Qu’en sais-tu ? Nous sommes habitués aux miracles, toi et moi.Si nous sommes vainqueurs, Thèbes nous sera promise.Coptos me semble trop petite, à présent, et la morosité te sied mal.Il la prit aux hanches et la souleva ; les seins à la hauteur des yeux de son amant, la tête penchée en arrière, ses cheveux blonds noyés de soleil, les bras tendus, la Libyenne poussa un soupir d’aise.— Fais-moi mourir d’amour, implora-t-elle.*Le Nil changeait d’aspect ; un oeil exercé constatait que le bleu du fleuve devenait moins vif, comme si les premiers limons, venus du sud lointain, commençaient à l’obscurcir.Avec juin s’achèverait la moisson ; dans les campagnes, on s’adonnait au battage.Sous la protection de Kem et du babouin policier, Pazair avait dormi dans son village, à la belle étoile ; lorsqu’il était un jeune juge, il s’octroyait souvent ce plaisir, avide des parfums de la nuit et des couleurs de l’aube.— Nous partons pour Coptos, annonça-t-il à Kem ; je convaincrai Souti de renoncer à ses projets insensés.— Comment vous y prendrez-vous ?— Il m’écoutera.— Vous savez bien que non.— Nous avons échangé notre sang, nous nous comprenons au-delà des mots.— Je ne vous laisserai pas l’affronter seul.— Il n’existe pas d’autre solution.Quand elle sortit de la palmeraie, Pazair crut rêver.Aérienne, rayonnante, le front orné d’un diadème de fleurs de lotus, sa perle de turquoise au cou, Néféret venait vers lui [ Pobierz całość w formacie PDF ]