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.La, version outrageusement romanesque de Muriseay s’évanouit, et j’allai leur prêter mes jumelles.Ces villas et ces appartements devaient surtout être occupés par des gens ordinaires et bien comme il faut dans le genre des Sineham.Je restai un certain temps avec eux, à les écouter parler fiévreusement de la nouvelle résidence et de la nouvelle vie qui les attendaient.Le frère de Thorrin et sa femme étaient déjà là ; ils habitaient le même village et avaient préparé l’appartement pour eux.Plus tard, je revins à ma place, seul, et regardai le terrain changer à mesure que nous continuions vers le sud.Là les collines descendaient jusqu’à la mer, s’y abîmant à pic, et les blocs d’appartements étaient cachés à la vue ; bientôt nous dépassions des rivages aussi sauvages que ceux que j’avais pu voir dans les îles.Le navire longeait la côte de près, et je pouvais voir dans les jumelles de brusques envolées d’oiseaux au cœur des arbres qui poussaient au bord des falaises.Nous atteignîmes ce que je pris tout d’abord pour l’embouchure d’un fleuve, et le bateau vira de bord pour s’y engager.Là, l’eau était calme et profonde, d’un étonnant vert bouteille que traversaient par endroits les rayons du soleil.De chaque côté se dressait une jungle épaisse de monstrueuses aroïdées, immobiles dans le silence chargé d’humidité.Au bout de quelques minutes de navigation dans ce chenal à l’abri du vent, il devint clair que nous avions obliqué vers l’intérieur du pays entre la terre ferme et une île voisine, car il s’évasa en une vaste et calme lagune de l’autre côté de laquelle s’étalait Muriseay Ville.Maintenant que j’arrivais au terme de mon long voyage, j’éprouvais une étrange impression d’insécurité.Le navire était devenu un symbole de quiétude, la chose qui m’avait nourri et transporté, et où je retournais après m’être aventuré à terre.Je m’y étais habitué et m’y débrouillais aussi bien que dans l’appartement que j’avais laissé à Jethra.Le quitter revenait à faire un nouveau pas dans l’étrange.Nous nous faisons un décor familier de notre environnement ; du pont du navire le paysage ne faisait que passer, mais à présent il me fallait débarquer, mettre pied à terre pour de bon.C’était un retour au moi gouverné du dedans que j’avais temporairement perdu en embarquant.Inexplicablement, je me sentais intimidé par Muriseay, cela échappait à toute logique.Ce n’était qu’un lieu de transit, un endroit où je devais changer de bateau.D’autre part, j’étais attendu.Loterie Collago possédait une succursale à Muriseay, et la prochaine partie du voyage devait être arrangée par leurs soins.Je restai sur la proue du navire jusqu’à ce qu’il eût touché quai, puis retournai auprès des Sineham.Je leur souhaitai bonne chance, leur dis au revoir, puis descendis récupérer mon fourre-tout dans ma cabine.Quelques minutes plus tard, je remontai le quai, en quête d’un taxi pour me mener en ville.7Les bureaux de Loterie Collago se trouvaient dans une petite rue ombragée à environ cinq minutes du port.Je réglai le chauffeur du taxi et il démarra en trombe, la vieille conduite intérieure couverte de poussière tressautant brutalement sur le revêtement de cailloutis.Au bout de la rue, la voiture vira dans le dur éclat du soleil, se mêlant au chaos grondant de la circulation.Les bureaux ressemblaient à un vaste magasin d’exposition, avec leur double vitrine donnant sur la rue.Il n’y avait pas de lumière à l’intérieur, mais tout au fond, loin des portes et derrière une petite forêt de plantes en pots, se trouvaient une table-bureau et quelques meubles à tiroirs.Une jeune femme était assise là, en train de parcourir un magazine.J’essayai les portes, mais elles étaient fermées.La jeune femme m’entendit, leva les yeux et enregistra ma présence.Je la vis prendre des clés quelque part.Il n’y avait guère que quelques minutes qui me séparaient du train-train paresseux et berceur du navire, mais déjà Muriseay Ville m’avait communiqué un vif sentiment de choc culturel.Rien de ce que j’avais pu voir dans les petites îles de l’Archipel ne m’avait préparé à cette cité animée, torride, bruyante, dont je ne connaissais par ailleurs aucun équivalent dans mon pays.Muriseay, à en faire brutalement l’expérience, se présentait comme un chaos d’automobiles, d’immeubles et de gens.Tout le monde se déplaçait avec une détermination étonnante encore que mystérieuse.Les voitures allaient à une vitesse à laquelle aucun conducteur ne se serait risqué à Jethra, ponctuant leur course de brusques coups de freins, virant sec, donnant sans arrêt du klaxon.Les panneaux de signalisation, en deux langues, ne semblaient obéir à aucun système général, et encore moins à une quelconque cohérence dans l’usage qui en était fait.Les boutiques s’ouvraient toutes grandes sur la rue, contrairement aux magasins huppés des grands boulevards de Jethra, et leurs marchandises encombraient les trottoirs en un pêle-mêle haut en couleurs.Le sol était partout jonché de cartons et de bouteilles vides.Nombre de gens paressaient au soleil, allongés dans l’herbe des squares, appuyés contre les murs des bâtiments ou assis sous les dais éclatants des bars et restaurants en plein air.Une rue avait été complètement bloquée par ce qui se trouva être un match de football improvisé, incident qui déclencha une bordée d’injures chez mon chauffeur et l’amena à exécuter une marche arrière aussi brusque que dangereuse pour regagner la grand-rue.Pour compliquer encore la situation il y avait les bus, qui fonçaient en plein milieu de la chaussée, fenêtres et portières débordantes de passagers, ne faisant confiance qu’au culot pour se faire céder la priorité.La disposition de la cité ne semblait obéir à aucun plan général, avec ses allures de labyrinthe, ses rues étroites qui s’enchevêtraient entre les murs de brique de bâtisses croulantes ; j’étais habitué aux imposantes avenues de Jethra, des avenues, disait la tradition, que l’on avait voulu assez larges pour que toute une compagnie de troupes seigneuriales pût y marcher de front.Tout cela avait été entrevu et recueilli durant les quelques minutes que j’avais passées dans le taxi, emporté à toute allure dans un genre de véhicule que je n’avais vu qu’au cinéma.C’était une grosse conduite intérieure vétuste, toute cabossée, maculée de poussière et de boue séchée, au pare-brise crépi de cadavres d’insectes.Les sièges étaient recouverts de fourrure synthétique et bien trop moelleux pour être vraiment confortables ; on s’enfonçait dedans avec le léger écœurement que finit par inspirer un luxe exagéré.Le tableau de bord était habillé de chromes ternis et d’un placage de bois dont le vernis s’écaillait ; l’intérieur du pare-brise était envahi de photos de femmes et d’enfants.Un chien dormait sur le siège arrière, et de la musique pop braillarde et déformée s’échappait à plein volume de la radio.Le chauffeur conduisait d’une main, accompagnant la musique de l’autre sur le toit de la voiture.Chaque virage, négocié en catastrophe, faisait cogner la suspension et déclenchait un mouvement de roulis à l’intérieur du véhicule [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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