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.Qu allons-nous visiter sa cellule ! Elle est vide.L empire de l homme est intérieur.Ainsi le désert n estpoint fait de sable, ni de Touareg, ni de Maures mêmearmés d un fusil.Mais voici qu aujourd hui nous avons éprouvé lasoif.Et ce puits que nous connaissions, nousdécouvrons, aujourd hui seulement, qu il rayonne surl étendue.Une femme invisible peut enchanter ainsi86 toute une maison.Un puits porte loin, comme l amour.Les sables sont d abord déserts, puis vient le jouroù, craignant l approche d un rezzou, nous y lisons lesplis du grand manteau dont il s enveloppe.Le rezzouaussi transfigure les sables.Nous avons accepté la règle du jeu, le jeu nousforme à son image.Le Sahara, c est en nous qu il semontre.L aborder ce n est point visiter l oasis, c estfaire notre religion d une fontaine.IIDès mon premier voyage, j ai connu le goût dudésert.Nous nous étions échoués, Riguelle, Guillaumetet moi, auprès du fortin de Nouatchott.Ce petit poste deMauritanie était alors aussi isolé de toute vie qu un îlotperdu en mer.Un vieux sergent y vivait enfermé avecses quinze Sénégalais.Il nous reçut comme des envoyésdu ciel : Ah ! ça me fait quelque chose de vous parler.Ah ! ça me fait quelque chose !Ça lui faisait quelque chose : il pleurait.87  Depuis six mois, vous êtes les premiers.C est tousles six mois qu on me ravitaille.Tantôt c est lelieutenant.Tantôt c est le capitaine.La dernière fois,c était le capitaine.Nous nous sentions encore abasourdis.À deuxheures de Dakar, où le déjeuner se prépare, l embiellagesaute, et l on change de destinée.On joue le rôled apparition auprès d un vieux sergent qui pleure. Ah ! buvez, ça me fait plaisir d offrir du vin !Pensez un peu ! quand le capitaine est passé, je n enavais plus pour le capitaine.J ai raconté ça dans un livre, mais ce n était point duroman, il nous a dit : La dernière fois, je n ai même pas pu trinquer.Etj ai eu tellement honte que j ai demandé ma relève.Trinquer ! Trinquer un grand coup avec l autre, quisaute à bas du méhari, ruisselant de sueur ! Six moisdurant on avait vécu pour cette minute-là.Depuis unmois déjà on astiquait les armes, on fourbissait le postede la soute au grenier.Et déjà, depuis quelques jours,sentant l approche du jour béni, on surveillait, du hautde la terrasse, inlassablement, l horizon, afin d ydécouvrir cette poussière, dont s enveloppera, quand ilapparaîtra, le peloton mobile d Atar.Mais le vin manque : on ne peut célébrer la fête.On88 ne trinque pas.On se découvre déshonoré. J ai hâte qu il revienne.Je l attends. Où est-il, sergent ?Et le sergent, montrant les sables : On ne sait pas, il est partout, le capitaine !Elle fut réelle aussi, cette nuit passée sur la terrassedu fortin, à parler des étoiles.Il n était rien d autre àsurveiller.Elles étaient là, bien au complet, comme enavion, mais stables.En avion, quand la nuit est trop belle, on se laissealler, on ne pilote plus guère, et l avion peu à peus incline sur la gauche.On le croit encore horizontalquand on découvre sous l aile droite un village.Dans ledésert il n est point de village.Alors une flottille depêche en mer.Mais au large du Sahara, il n est point deflottille de pêche.Alors ? Alors on sourit de l erreur.Doucement, on redresse l avion.Et le village reprend saplace.On raccroche à la panoplie la constellation quel on avait laissée tomber.Village ? Oui.Villaged étoiles.Mais, du haut du fortin, il n est qu un désertcomme gelé, des vagues de sable sans mouvement.Desconstellations bien accrochées.Et le sergent nous parled elles :89  Allez ! Je connais bien mes directions.Cap surcette étoile, droit sur Tunis ! Tu es de Tunis ? Non.Ma cousine.Il se fait un très long silence.Mais le sergent n oserien nous cacher : Un jour, j irai à Tunis.Certes, par un autre chemin qu en marchant droit surcette étoile.À moins qu un jour d expédition un puitstari ne le livre à la poésie du délire.Alors l étoile, lacousine et Tunis se confondront.Alors commenceracette marche inspirée, que les profanes croientdouloureuse. J ai demandé une fois au capitaine une permissionpour Tunis, rapport à cette cousine.Et il m a répondu. Et il t a répondu ? Et il m a répondu : C est plein de cousines, lemonde.Et, comme c était moins loin, il m a envoyé àDakar. Elle était belle, ta cousine ? Celle de Tunis ? Bien sûr.Elle était blonde. Non, celle de Dakar ?Sergent, nous t aurions embrassé pour ta réponse un90 peu dépitée et mélancolique : Elle était nègre.Le Sahara pour toi, sergent ? C était un Dieuperpétuellement en marche vers toi.C était aussi ladouceur d une cousine blonde derrière cinq millekilomètres de sable.Le désert pour nous ? C était ce qui naissait en nous.Ce que nous apprenions sur nous-mêmes.Nous aussi,cette nuit-là, nous étions amoureux d une cousine etd un capitaine.IIISitué à la lisière des territoires insoumis, Port-Étienne n est pas une ville.On y trouve un fortin, unhangar et une baraque de bois pour les équipages dechez nous.Le désert, autour, est si absolu que, malgréses faibles ressources militaires, Port-Étienne estpresque invincible.Il faut franchir, pour l attaquer, unetelle ceinture de sable et de feu que les rezzous nepeuvent l atteindre qu à bout de forces, aprèsépuisement des provisions d eau.Pourtant, de mémoire91 d homme, il y a toujours eu, quelque part dans le Nord,un rezzou en marche sur Port-Étienne.Chaque fois quele capitaine-gouverneur vient boire chez nous un verrede thé, il nous montre sa marche sur les cartes, commeon raconte la légende d une belle princesse.Mais cerezzou n arrive jamais, tari par le sable même, commeun fleuve, et nous l appelons le rezzou fantôme.Lesgrenades et les cartouches, que le Gouvernement nousdistribue le soir, dorment au pied de nos lits dans leurscaisses.Et nous n avons point à lutter contre d autreennemi que le silence, protégés avant tout par notremisère.Et Lucas, chef d aéroport, fait, nuit et jour,tourner le gramophone qui, si loin de la vie, nous parleun langage à demi perdu, et provoque une mélancoliesans objet qui ressemble curieusement à la soif.Ce soir, nous avons dîné au fortin et le capitaine-gouverneur nous a fait admirer son jardin.Il a, en effet,reçu de France trois caisses pleines de terre véritable,qui ont ainsi franchi quatre mille kilomètres.Il y poussetrois feuilles vertes, et nous les caressons du doigtcomme des bijoux.Le capitaine, quand il en parle, dit :« C est mon parc.» Et quand souffle le vent de sable,qui sèche tout, on descend le parc à la cave.Nous habitons à un kilomètre du fort, et rentrons92 chez nous sous le clair de lune, après le dîner.Sous lalune le sable est rose.Nous sentons notre dénuement,mais le sable est rose.Mais un appel de sentinellerétablit dans le monde le pathétique.C est tout leSahara qui s effraie de nos ombres, et qui nousinterroge, parce qu un rezzou est en marche.Dans le cri de la sentinelle toutes les voix du désertretentissent.Le désert n est plus une maison vide : unecaravane maure aimante la nuit.Nous pourrions nous croire en sécurité.Etcependant ! Maladie, accident, rezzou, combien demenaces cheminent ! L homme est cible sur terre pourdes tireurs secrets.Mais la sentinelle sénégalaise,comme un prophète, nous le rappelle.Nous répondons : « Français ! » et passons devantl ange noir [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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